"Le Liban c'est la porte à côté". Jean-Louis Schiltz au sujet de la participation de l'armée luxembourgeoise à la mission de la FINUL au Liban

David Paganotti: Le Luxembourg a décidé de participer à la mission de la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban). Concrètement, quel sera le caractère de la participation grand-ducale?

Jean-Louis Schiltz: Le Luxembourg enverra au Liban un officier et deux formateurs en matière de déminage qui seront intégrés au contingent belge. Les détails des modalités de cette mission sont encore en train d'être évalués entre les deux états-majors, de même qu'il n'a pas encore été décidé de la date exacte à partir de laquelle le contingent sera opérationnel sur le terrain.

Les formations en déminage qui seront dispensées par les soldats luxembourgeois sont destinées à l'armée libanaise. Il s'agit là d'une mission utile qui revêt un caractère d'effet multiplicateur important et qui s'inscrit donc dans une action à long terme.

David Paganotti: Quel est le risque d'une telle mission?

Jean-Louis Schiltz: Ce qui est sûr c'est que le risque zéro n'existe pas en matière de sécurité dans le cadre de telles missions qui se déroulent dans les zones de conflit, même si les Luxembourgeois ne participeront pas à des opérations actives.

Toutefois, les membres de l'armée luxembourgeoise pourront profiter de l'expérience acquise par l'armée belge, à laquelle ils seront intégrés, et qui a malheureusement subi des pertes lors de sa participation aux missions des Casques bleus au Rwanda.

Suite à cette douloureuse expérience, l'état-major belge a revu les modalités du dispositif de sécurisation de son contingent, qui sera protégé selon le principe dit de la "double écorce". Les soldats luxembourgeois en profiteront également. Mais, je le répète, le risque zéro n'existe pas.

Je profite d'ailleurs de l'occasion pour souligner, d'une part, l'excellente collaboration que nous entretenons avec l'état-major belge et je souhaiterais rendre hommage à toutes ces femmes et ces hommes qui acceptent de participer aux différentes missions luxembourgeoises en connaissant parfaitement tous les risques.

David Paganotti: Présente dans différentes zones de conflit auxquelles s'ajoute donc maintenant le Liban, l'armée luxembourgeoise a-t-elle atteint ses limites en terme de participation internationale?

Jean-Louis Schiltz: Notre armée participe actuellement à différentes missions en Afghanistan, au Kosovo et au Congo. Sa capacité à fournir des hommes et du matériel est bien évidemment limitée. Ce sont des données qui sont toujours prises en compte lorsque les décisions de participer, dans le cadre de nos engagements au niveau de l'Union européenne ou de I'OTAN, sont discutées en détail.

David Paganotti: Cette situation pourrait-elle changer, dans le cadre du nouveau concept pour l'armée que vous allez présenter à la Chambre des députés en automne?

Jean-Louis Schiltz: La situation actuelle fait que notre action ne peut être planifiée et organisée que sur le court et, éventuellement, le moyen terme. Nous devons agir avec les moyens du bord dans le cadre de conflits qui, ne l'oublions pas, nous sont imposés par les événements et les impératifs de la géopolitique internationale.

Mais, à l'avenir, pour pouvoir tenir les engagements que le Luxembourg a pris au nom de la solidarité internationale, il faudra pouvoir donner les moyens au gouvernement de planifier sur le long terme.

C'est l'axe sur lequel repose le concept pour une armée de l'avenir que je présenterai à la Chambre des députés dans quelques semaines.

Il y sera notamment question d'engagements concrets déjà pris par le Luxembourg, par exemple au niveau de l'OTAN. Le Luxembourg s'est en effet engagé à mettre à disposition une unité de reconnaissance comprenant une vingtaine d'éléments, pour 2009.

Les missions de cette unité seront renouvelées en alternance trois fois par an, ce qui concernera donc directement au moins une soixantaine d'hommes et de femmes de l'armée luxembourgeoise, auxquels s'ajouteront encore une vingtaine d'éléments pour garantir les processus administratifs et la mise en place de la logistique nécessaire au bon fonctionnement de cette unité.

David Paganotti: Les priorités et le fonctionnement même de l'armée n'ont donc pas fini d'évoluer?

Jean-Louis Schiltz: L'armée a déjà beaucoup évolué, mais il me tient particulièrement à cœur qu'elle continue à l'avenir à remplir ses fonctions sociales au sens large. Il faut qu'elle puisse encore remplir sa mission qui consiste à former de façon adéquate des jeunes femmes et des jeunes hommes qui se destinent à des emplois aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Cela reste primordial.

En même temps, l'armée doit également pouvoir remplir de manière optimale ses missions primaires. Pour cela il faut lui donner les moyens de le faire. Mais les deux aspects doivent converger, voire se compléter.

En ce moment, on peut constater que notre armée est perçue de façon très positive par la société luxembourgeoise et qu'elle intéresse de plus en plus de jeunes en quête d'avenir professionnel.

David Paganotti: Pour en revenir à la situation au Liban, le mandat international sera-t-il assez solide pour que la mission de la FINUL puisse porter ses fruits?

Jean-Louis Schiltz: Les grandes lignes du mandat sont déjà fixées et elles vont dans le bon sens. Elles prévoient que les soldats de la FINUL puissent riposter en cas de légitime défense et dans les cas où ils se trouveraient dans la situation de devoir protéger les populations civiles.

Les derniers détails du mandat international sont en train d'être réglés, mais je reste confiant que celui-ci formera une base solide pour une mission efficace et nécessaire.

David Paganotti: Une chance donc pour l'UE et l'ONU d'intervenir enfin dans ce conflit et faire valoir son importance sur le devant de la scène internationale?

Jean-Louis Schiltz: Il est tout à fait normal que l'Union européenne, qui depuis toujours œuvre en faveur du processus de paix au Moyen-Orient, et donc également le Luxembourg prennent leurs responsabilités.

N'oublions pas que le Liban c'est la porte à côté! Les évacuations de civils depuis le début du dernier conflit sont passées par l'île de Chypre, donc par l'Union européenne.

Ne rien faire ne peut pas constituer une réponse, il y a un vrai sens à cette intervention. De plus, une paix durable au Liban garantirait la stabilité et la sécurité de toute la région et désamorcerait bon nombre de tensions entre des pays qui risquent de s'enflammer à leur tour.

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